Médias & Réseaux

Disparues du feed : quand Instagram efface les créatrices

Perdre son compte, c’est perdre plus qu’un profil.

Un matin, l’application ne s’ouvre plus.
Un message laconique s’affiche : « Votre compte a été suspendu pour non-respect des conditions d’utilisation. »
Pas d’explication, pas de recours clair, parfois pas même un avertissement.
Pour des milliers de créatrices de contenu — artistes, modèles, travailleuses du sexe, coachs, photographes — la sanction tombe sans préavis.
Leur visibilité, leur communauté, leurs revenus : tout disparaît d’un clic.

Instagram est devenu un espace central de l’économie créative. Mais c’est un espace sans droits.
Et quand les règles changent, ce sont souvent les mêmes qui tombent : les femmes, les trans, les indépendantes, celles qui dérangent ou s’assument trop.


Le bannissement comme violence économique

Perdre un compte, ce n’est pas seulement perdre des abonnés.
C’est voir s’effondrer un outil de travail, une identité numérique, une part de soi.
Certains comptes représentent des années d’efforts : shooting, community-building, collaborations, contenus sponsorisés.
Le bannissement, c’est une forme de licenciement sans préavis, sans explication, sans recours.

La plateforme justifie ses décisions par des “violations de règles”, souvent floues — nudité, contenu “adulte”, promotion d’activités “non autorisées”.
Mais la réalité, c’est que les algorithmes de modération automatisée frappent à l’aveugle.
Une photo artistique, une silhouette, un mot mal interprété : tout peut déclencher la chute.
Et derrière le jargon des “standards communautaires”, il y a un tri implicite des corps et des esthétiques jugées “acceptables”.


Le vide après la coupure

La perte d’un compte ne se mesure pas qu’en chiffres.
Elle déclenche un vide psychologique et symbolique : une perte de repères, une sensation d’effacement.
Pour beaucoup, c’est une rupture brutale avec une communauté construite au fil du temps.
Les messages de soutien arrivent trop tard ; les signalements inversés échouent.
L’impression est celle d’avoir été désindexée du réel.

Certaines créatrices racontent cette période comme un deuil numérique : une désorientation, suivie d’une phase de reconstruction.
Car sur les réseaux, exister, c’est apparaître. Et disparaître, c’est ne plus exister du tout.


Les stratégies pour rebondir

Face à cette fragilité, les créatrices développent des stratégies de survie numérique.
Certaines multiplient les comptes, d’autres segmentent leur audience :

  • Un compte principal, vitrine publique et “safe”.
  • Un compte secondaire, plus libre, souvent réservé aux abonnés fidèles.
  • Une plateforme indépendante (site personnel, newsletter, OnlyFans, Patreon, etc.) pour reprendre la main sur la monétisation et les données.

La clé, c’est la diversification.
Instagram ne doit plus être le centre, mais une porte d’entrée.
Car dépendre d’un seul canal, c’est s’exposer à une forme de censure structurelle.


Reprendre le contrôle : bâtir hors des plateformes

La vraie réponse à la fragilité des réseaux, c’est la reconstruction hors d’eux.
Créer un site, une base mail, un espace personnel.
S’appuyer sur les outils qui garantissent la pérennité des liens : newsletter, site payant, hébergement indépendant.
C’est plus lent, moins glamour, mais c’est durable.

Les créatrices apprennent à devenir leurs propres médias : à maîtriser leur hébergement, leurs fichiers, leur référencement.
La technologie cesse d’être un obstacle ; elle devient une arme d’autonomie.


Vers une écologie de la présence

Derrière cette question, c’est tout un rapport au pouvoir qui se redessine.
Les plateformes nous ont habitués à l’instantané et à la dépendance.
Mais chaque bannissement rappelle une vérité simple : ce qui n’est pas à nous peut nous être retiré.

Les créatrices qui survivent à cette épreuve ne sont pas seulement des victimes d’un système injuste — elles en deviennent les pionnières d’un nouveau modèle.
Un modèle où la visibilité se construit autrement : moins par le flux, plus par la cohérence, la constance et la maîtrise.

Iris Alquier

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