Politique & Monde

Macron, la stratégie du chaos utile ?

Comment le Président a peut-être piégé tout le monde pour garder la main jusqu’en 2027

En feignant l’impuissance, le Président a peut-être signé l’un de ses mouvements les plus habiles : transformer la crise en outil de contrôle.

Vingt-six jours de vide politique, un Premier ministre démissionnaire, des partis fracturés, et des titres de presse annonçant la fin d’un règne.
Pourtant, au bout du compte, Emmanuel Macron a retrouvé exactement ce qu’il cherchait : un gouvernement loyal, sans présidentiable, et un champ politique neutralisé.
Derrière l’apparente impasse, un plan : figer le jeu pour durer.

Un mois de crise, ou un mois de calcul ?

Vingt-six jours de confusion, de rumeurs et de négociations stériles.
Le gouvernement Lecornu semblait avoir explosé avant même d’exister. Les unes parlaient de paralysie, d’impasse, de fin de règne.
Pourtant, à y regarder de plus près, ce chaos n’était peut-être pas une erreur — mais un mouvement parfaitement orchestré.

Macron n’a pas perdu le contrôle ; il a laissé les autres s’y brûler.
En déclenchant cette séquence interminable, il a provoqué une explosion d’ambitions : Retailleau, Darmanin, Bayrou, Philippe, Attal… tous ont cru pouvoir incarner la suite.
Et tous, sans exception, se sont exposés.

La purge par le vide

La reconduction de Sébastien Lecornu, quatre jours après sa démission, est le signe le plus clair de cette stratégie :
un gouvernement sans présidentiable, sans personnalité trop visible, sans base partisane revendiquée.

Autour, les blocs politiques s’effritent :

Les Républicains adoptent un “soutien sans participation”, position molle mais commode.

Horizons tergiverse, les philippistes évitent le clash mais perdent leur marge.

Renaissance se tait ; Attal “prend acte”, formule glaciale de désapprobation passive.

Et Lecornu parle désormais “d’un gouvernement libre, non prisonnier des appareils politiques”.

Tout cela compose une épure présidentielle : un exécutif loyal, neutralisé, sans centre de gravité autre que l’Élysée.
Macron a fait le ménage sans guerre ouverte. Il a laissé les partis se fracturer d’eux-mêmes, puis est revenu ramasser les morceaux.

Empêcher les autres de gagner

Macron sait ce que c’est qu’un ministre qui se rêve successeur.
Il l’a été lui-même, sous Hollande.
Il connaît la mécanique : la loyauté feinte, la communication indépendante, les ambitions silencieuses.
Alors, il a tout verrouillé.

En 2025, il n’a plus la force d’un conquérant, mais il maîtrise encore l’art du contre-jeu.
Il ne cherche plus à construire, il cherche à geler.
À retarder les recompositions. À rendre les alliances impossibles. À faire en sorte que personne ne puisse se servir du pouvoir contre lui.

C’est une logique de fin de règne, certes, mais une fin de règne intelligemment gérée.
Plutôt qu’un effondrement, c’est une mise en pause : un équilibre précaire, mais sous contrôle.

Lame duck, vraiment ?

Aux États-Unis, on appelle lame duck un président en fin de mandat, sans pouvoir réel, attendant la relève.
En France, l’expression a commencé à s’appliquer à Macron.
Mais c’est oublier qu’à 47 ans, il a encore deux ans à tenir — et qu’il déteste l’idée d’être spectateur de sa propre sortie.

Macron ne s’efface pas, il déplace le jeu :
il ne prépare pas sa succession, il prépare le terrain pour que personne ne puisse s’y installer sans lui.
C’est la version française du pouvoir de l’ombre, un mélange de machiavélisme et de stratégie d’usure.

Conclusion — L’art de ne pas perdre

Emmanuel Macron n’a pas remporté la bataille du pouvoir : il l’a simplement empêchée d’avoir lieu.
En recréant un gouvernement sans relief, sans présidentiable, et sans appartenance partisane affirmée, il a figé le jeu politique français dans une sorte de suspension contrôlée.
Ce n’est pas la panacée — mais c’est mieux que toutes les alternatives : pas de dissolution hasardeuse, pas de cohabitation forcée, pas de rival crédible à court terme.

Il n’a plus la force d’un chef conquérant, mais il conserve celle du stratège.
Là où d’autres voyaient une impasse, lui a vu un piège à ambitions.
Et à défaut d’avancer, il a réussi à faire reculer tout le monde autour de lui.

Macron n’a pas gagné ; il a simplement empêché quiconque d’autre ne gagne à sa place.
Et dans la France politique de 2025, c’est peut-être encore la plus haute forme de victoire.

Alix Inard

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Alix Inard décrypte pour Angle libre, les rapports de pouvoir et les mouvements d’idées dans la société contemporaine.

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